19 décembre 2012

Négociations emploi : L'étonnante vision du patronat des droits sécurisés des salariés !

Les négociations entre syndicats et patronat sur la réforme du marché du travail avaient pour but de sécuriser les salariés face à la demande accrue de flexibilité. En l'état, il s'avère que ce sont surtout les employeurs qui devraient être les grands bénéficiaires de ce qui s'apparente à un énorme recul des droits des salariés.


Déjudiciarisation, mobilité interne et accords de maintien dans l'emploi, voilà les termes que vous devriez entendre ou lire dans les tous prochains jours et qui correspondent à d'importantes modifications du droit du travail pour lesquelles, les organisations patronales font le forcing. Et qu'elle pourraient bien obtenir, si une majorité de syndicats donnaient leur accord.

A quoi correspondent les termes déjudiciarisation, mobilité interne et accords de maintien dans l'emploi?

Déjudiciarisation : Les organisations patronales ne veulent plus qu'un juge retoque leurs plans sociaux. 

Un exemple ?

En juin 2011, Libération nous expliquait comment les salariés de Viveo France, éditeur de logiciels bancaires, s'étaient opposé à un plan social de 64 personnes, suite à son rachat par un concurrent suisse. Philippe Brun, l’avocat des salariés plaidait devant les tribunaux et obtenait que le plan social, qui ressemblait à s'y méprendre, à un licenciement boursier soit retoqué. A l'époque, Libération écrivait à ce sujet : « C’est un jugement qui donne des sueurs froides au patronat »

Explication : Les organisations patronales savent qu'il est toujours plus facile de négocier avec les pouvoirs publics qu'avec la justice. C'est pourquoi écrit Le Monde : Elles veulent que : « les plans sociaux soient homologués par l'administration » moins inflexible que les juges en cas de licenciements boursiers.

Toujours au sujet des licenciements, les organisations patronales font très fort, puisqu'elles réclament que le montant des dommages et intérêts accordés aux salariés par les prud'hommes soient limités !

En résumé : Adoucissement des peines prononcées à l'égard des entreprises ayant eu une attitude incorrecte, pour ne pas dire plus, envers leurs salariés !

Mobilité interne : Les salariés ne pourraient plus s'opposer à des changements de postes ou de lieu de travail qui leur seraient imposés

Un des grands rêves du patronat en termes de flexibilité. Si cette demande était acceptée, elle imposerait à tout salarié d'accepter un changement d'affectation dans la limite de 50 kms ou de quarante cinq minutes de transport. 

Où est le piège direz-vous ?

Tout simplement dans le fait que si le salarié refuse, il serait licencié pour « motif personnel »ce qui éviterait à son entreprise, précise Le Monde, de recourir à un plan social. En gros certaines entreprises, pourraient proposer à certains salariés, dont elles souhaitent se débarrasser, une affectation à un poste moins attrayant pour que ceux-ci refusent et soient licenciés en toute discrétion. Quand au temps de trajet, rien ne prouve qu'il serait pas « élastique » et que les 50 kilomètres à vol d'oiseau ne correspondent pas en réalité à 3 ou 4 heures aller et retour. Ce qui pourrait en dissuader plus d'un !

Accords de maintien dans l'emploi : Que voila une jolie expression pour parler des accords compétitivité-emploi qui étaient inscrits dans le programme de l'UMP. Et qui, comme nous l'avons écrit à de nombreuses reprises dans Slovar les Nouvelles ne sont qu'un chantage à l'emploi ! Nous pensions, peut être à tort qu'ils étaient passés aux oubliettes. Or, selon Le Monde, ils pourraient être dans le « paquet cadeau » que les organisations patronales essayent de fourguer aux syndicats.

Comment cela fonctionnerait-il ?

Les entreprises en difficulté obtiendraient de la part de leurs salariés des sacrifices (salariaux, temps de travail, réduction de RTT) en échange d'un engagement de ne pas licencier. Grande nouveauté, il suffirait que des syndicats représentant 50% des salariés les approuvent pour qu'ils entrent en vigueur. Cerise sur le gâteau patronal : « Les salariés qui refuseraient l'accord seraient licenciés sans que l'employeur n'ai besoin d'avoir recours à un plan social » précise Le Monde 

Bien entendu, il n'y aurait aucune obligation pour les employeurs imposant un accord de maintien dans l'emploi de s'engager à un retour aux conditions antérieures en cas de redressement de l'activité ou de profitabilité. Il suffirait en cas de revendication des salariés de leur expliquer que : la mondialisation, la concurrence des pays émergents ... ne le permette pas pour continuer à geler durablement les rémunérations des salariés.

Théoriquement, les accords entre le patronat et les syndicats devaient aboutir à une sécurisation des parcours des salariés. On a même parlé un temps de flexisécurité à la danoise. Qu'en est-il ?

Aux dernières nouvelles, pas de formation tout au long de la vie ou d'amélioration du service de l'emploi au programme, ce qui permettrait pourtant une meilleure employabilité des salariés. 

La sécurisation porterait essentiellement sur deux chevaux de bataille de la CFDT : Une extension à tous les salariés de complémentaires de santé financées par les employeurs, ce qui ravira les assureurs et banquiers adhérents au Medef (voir notre article d'hier) mais qui selon des sources patronales serait trop coûteuse, et l'instauration de droits rechargeables à l'assurance-chômage. 

Mais pour bénéficier de ces quelques miettes incertaines, les syndicats doivent avaliser la déjudiciarisation, la mobilité interne et les accords de maintien dans l'emploi!

Dernier point qui unit encore l'ensemble des syndicats : La mise en place d'une taxation des CDD de courte durée. Mais, vous vous en doutez, le Medef s'y oppose, au fait que, affirme Laurence Parisot :  « Je ne vois pas en quoi cela favoriserait l'emploi ». Sachez également que le Medef réfléchit seul à une renégociation, courant 2013, de la convention d'assurance-chômage qui serait, bien entendu, moins favorable pour les futurs chômeurs.

En gros, soit les syndicats de salariés cèdent (ce qui ne sera pas le cas pour la CGT qui ne signera pas d'accord en l'état) et les organisation patronales, Medef en tête auront obtenu la quasi totalité de ce que la droite était prête à leur concéder. Soit ils résistent et le gouvernement se trouvera obligé de légiférer. Et comme les organisations patronales, se sentiraient plus à l'aise en face de politiques à qui ils pourront mettre la pression en évoquant une future avalanche de plans sociaux, il y a tout lieu de penser qu'elles obtiendront d'une façon ou d'une autre ce qu'elles souhaitaient !

Il ne restera plus, ensuite, aux organisations patronales qu'à obtenir la disparition de l'horaire légal de travail et la négociation du SMIC par branche et pourquoi pas par entreprise, pour ramener les salariés français en 1950 où, la durée annuelle du travail était de 2 230 heures (1 559 heures en 2007) et où le SMIG, ancêtre du SMIC n'existait pas. 

La seule différence étant que contrairement aux années 50, le taux de chômage lui, ne baissera pas. D'où des salaires et des conditions de travail qui ne pourront que se dégrader. Par contre, il sera possible d'augmenter les commandes de champagne destiné à abreuver les actionnaires qui ne pourront que se féliciter de cette « bonne gestion compétitive » !


La vigilance s'impose, vous ne croyez pas ?


Sources et crédits

Le Monde du 21 décembre 2012
Le Figaro
Libération
L'Internaute
INSEE

Crédit et copyright image
Faujour

17 décembre 2012

Les belles légendes du Medef : Travailler plus longtemps pour préserver le régime de retraite !

Laurence Parisot s'en prend à nouveau à l'âge de départ à la retraite. Alors que les 50-64 ans ne sont qu'environ 44 % à être encore dans l'emploi, Elle réclame le passage de 62 à 63 ans ! Mais cette attaque est un leurre puisque l'objectif est de rendre de plus en plus difficile le départ à la retraite de ceux qui ne pourront pas avoir recours à la capitalisation individuelle !

En termes d'âge de départ à la retraite, Laurence Parisot ne désarme pas. Après avoir hurlé de bonheur lorsque François Fillon s'était prononcé pour un départ à 67 ans et essayé d'imposer une partie de capitalisation obligatoire aux salariés, devenus caducs par la défaite de la droite à la présidentielle et aux législatives, elle remonte au créneau pour exiger que les salariés français travaillent une année de plus que l'âge légal actuel.

Quels sont ses arguments ?

Ils nous sont livrés par Reuters : " La France doit repousser au moins à 63 ans l'âge minimum de départ en retraite afin de financer les pensions, a estimé dimanche la présidente du Medef Laurence Parisot. La réforme menée sous le mandat Sarkozy qui a porté de 60 à 62 ans l'âge minimum et à 65 ans l'âge requis pour bénéficier d'une pension à taux plein quelle que soit la durée de cotisations est insuffisante (...) Nous disions déjà en 2010 qu'il faudrait au moins 63 ans, et je le redis aujourd'hui. Il faudra à nouveau repousser l'âge légal de départ à la retraite, allonger la durée de cotisations (...) Est-ce que nous, en France, on peut être les seuls à rester à 62 ans, alors que nos voisins espagnols, italiens, anglais allemands, sont suivant les cas entre 65 et 67 ans? Non, ce n'est pas possible (...) "

On rapellera pour mémoire à madame Parisot que :

En Allemagne : La réforme de 2007 fait passer l’âge d’obtention d’une pension complète de 65 ans et un mois en 2012 à 67 en 2031 (...) L’âge minimum de départ reste, lui, fixé à 63 ans - sous réserve de 35 années de cotisation. Mais de fortes décotes sont prévues pour les travailleurs qui souhaitent liquider leur pension à cet âge (...) "

Espagne : " (...) La durée de cotisation nécessaire à une retraite à taux plein est de 35 ans dans la plupart des cas (...) Les professions dites "à grand danger", comme les mineurs, les cheminots ou les marins peuvent profiter de départs anticipé dès 60 ans. L'Espagne propose également des départs à 61 ans aux salariés mutualistes, aux licenciés économiques et aux chômeurs de longue durée qui peuvent faire valoir 30 ans de cotisation (...) En juillet 2011, le Parlement espagnol a adopté une loi qui définit l'âge de la retraite à 65 ans. Si le salarié a cotisé 35 ans, il pourra toucher sa retraite à 100% (...) "

Italie : " Les Italiens doivent désormais verser entre 40 et 42 annuités pour les hommes et 41 pour les femmes avant de partir en retraite. A partir de 2018, hommes et les femmes partiront en retraite à 66 ans. Cet âge légal sera, par la suite retardé en fonction de l'évolution de l'espérance de vie "

Royaume-Uni : (...) Depuis 2007, Il faut seulement trente ans de cotisation pour bénéficier de la (minuscule) retraite d'État de base (116 euros par semaine). Mais, avec la réforme engagée, à savoir un départ à 68 ans à l'horizon 2046, une pension à taux plein nécessitera, de fait, quarante-quatre ans de cotisation pour les hommes et trente-neuf pour les femmes. Actuellement, les retraites anticipées sont monnaie courante : depuis 2006, un salarié peut liquider sa retraite complémentaire (seconde pension d'Etat ou fonds de pension privé) dès 50 ans, c'est-à-dire avant même de pouvoir percevoir sa retraite de base. - Source : Myeurop

Donc, à part l'italie dont les durées de cotisation se rapprochent des nôtres, la démonstration de Laurence Parisot est comme à l'habitude tronquée !

On rappellera également à la patronne du Medef qu'en France : " Les seniors voient leur taux de chômage augmenter, comme d’habitude, plus que la moyenne,  de 1,9 % en un mois, de 17,6% en un an (pour la France métropolitaine, catégorie A) " écrivait Michel Abhervé le 27 novembre dernier. Par ailleurs : " (...) Fin août 2012, le nombre de demandeurs d'emploi seniors (autrement dit, âgés de 50 ans et plus) s'élevait à 946 300 chômeurs seniors pour les catégories A, B, C (...) "  indiquait l'association Grenadine

Ce qui signifie que reporter d'un an l'âge légal de la retraite ne ferait qu'allonger la file des chômeurs seniors à Pôle Emploi.

Mais revenons en au système britannique, cité par Laurence Parisot, et qui nous le pensons, est un modèle absolu en ce qui la concerne. En effet, un système de retraite qui assure moins de 500 € par mois pousse la totalité des salariés à souscrire un plan privé de retraite. Et c'est d'ailleurs le but. 

Ce qui fait qu'un salarié bien rémunéré peut se constituer une épargne retraite individuelle sur 20 à 30 ans et prendre sa retraite à partir de 50 ans sans tenir compte du minimum retraite assuré par l'état. Pour ceux dont les revenus sont faibles ou aléatoires, il faut trimer longtemps pour que le cumul de la pension d'état et de sa pension privée permette de survivre. A condition, bien entendu que les placements des fonds de pensions donnent d'excellents résultats. Faute de quoi ...

Ne nous y trompons pas, l'avenir du système de retraite français est bien la dernière préoccupation de madame Parisot. Son combat est tout autre, puisqu'il consiste à rendre l'accès à la retraite le plus difficile possible pour que les salariés acceptent de cotiser individuellement à des fonds de pension ou d'investissements comme en Grande Bretagne ou aux Etats-Unis. 

Pour quelle raison ?

Tout simplement, comme nous l'avons expliqué à de nombreuses reprises parce que la Fédération française des sociétés d'assurances dirigée par Bernard Spitz et la Fédération Bancaire Française dirigée par Ariane Obolensky sont tous deux adhérents au Medef et lorgnent avec insistance sur le magot que représenterait la mise en place de fonds pensions à la française. Ajoutons à cela que madame Parisot est administrateur de la BNP.

En fait, les coups de boutoirs successifs du Medef contre le système social français n'ont qu'un but : Assurer une rente aux établissements bancaires et aux compagnies d'assurances. Pour la grande majorité des salariés dont le salaire moyen n'atteint pas 2000 € par mois, ce serait tout simplement catastrophique. Car, au delà de leur capacité à épargner pour se constituer une retraite, ils seraient livrés pieds et poings liés aux performances des marchés financiers pendant de très longues durées sans le moindre engagement de performances.

Pas certain que ça permette aux français de disposer d'une retraite, mais certain que dans certains milieux patronaux on doit allumer tous les jours des cierges pour que le miracle de la rente se produise un de ces jours. Si ça vous tente ....


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